jeudi 19 mai 2016

Les sinistrés du camp de Muhongoza à Bushushu entre le marteau et l’enclume




 Le 14 mai dernier les populations  déplacées de suite des glissements de terres dans la localité de Rambira en territoire de Kalehe en groupement Mbinga Sud ; ont été réveillées aux environs de 4 heures du matin par les crépitements d’armes automatiques. Sans trop savoir de quoi il s’agissait, les hôtes du camp de Mweya Muhongoza se sont dispersés dans la nature prenant la direction de  Cishenyi/ Rambira vers Bushushu et d’autres vers Bulungu.

La quarantaine des policiers venu de Kavumu et renforcée par les unités basées à Kalehe centre auraient ouvert le feu sur les populations civiles, le bilan fait état de plusieurs personnes blessées (la chefferie aurait identifiée 3 personnes dont un homme qui a perdu la vue et deux femmes fracturées au bras, cependant une mission a été envoyée dans les différents centres de santé pour établir un bilan exact), plus de 300 cases incendiées et plusieurs biens de valeur pillés par les assaillants. Environs 300 ménages pour une population estimée à 1500 personnes sont en errance, certains d’entre eux auraient trouvés refuge dans les familles d’accueils à Bushushu et à Kalehe centre (Cishenyi/ Rambira vers Bushushu et Bulungu).  
En réaction à cette expulsion musclée, les sinistrés ont complètement pillés trois bâtiments de  la Pharmakina. Selon les dires du chef de site de la Pharmakina dans cette plantation 300 chèvres et plus de 700 lapins auraient été emportés par les sinistrés.


Des promesses non tenues ?

Déjà le mercredi 11 mai, les mêmes policiers étaient arrivés à Kalehe centre et se seraient entretenus avec le chef de chefferie pendant plusieurs heures. Ce denier leur aurait conseillé de ne pas se rendre dans le camp car il s’observait déjà une certaine nervosité dans le chef des déplacés et des violents affrontements seraient inévitables. Ayant constaté d’eux mêmes cette situation après un tour dans les environs du camp, ils auraient demandé au Chef de chefferie de négocier avec les déplacés en leur proposant un nouveau site.

Dans les tractations qui ont eu lieu par la suite avec les autorités provinciales, une contraction est vite apparue entre le Gouverneur de province en séjour à Kinshasa et son ministre de l’intérieur. Pour le premier il n’y avait plus de négociation possible à faire avec les déplacés et qu’ils devraient quitter le camp dans les 3 jours qui suivraient. Quant au second il aurait promis d’aller s’entretenir avec les déplacés dans la matinée du samedi 14 mai. En cours de route il sera surpris d’apprendre que les éléments de la Police lui auraient précédé sur les lieux, il sera obligé de rebrousser chemin.

Toute la journée de ce samedi 14 mai aucune autorité n’était joignable sur place à Kalehe, le Mwami était à Bukavu où il réside quant l’administrateur du territoire adjoint[1], il n’y travaille plus. On se rappellera que l’administrateur adjoint de Kalehe n’y arrive plus que très rarement, cela,  après avoir été accusé par les sinistrés d’avoir détourné plus 7000 $ de dons destinés aux déplacés du camp de Muhongoza.[2]


A la base, un conflit foncier opposant la Pharmakina à la chefferie de Buhavu   


L’action des policiers du district du lac Tanganyika est à inscrire dans l’exécution d’un jugement qui serait rendu dans le cadre de l’affaire opposant la société Pharmakina à la chefferie de Buhavu autours de la concession qui aurait appartenu à monsieur Emile Serdine, colon Belge. Ce dernier aurait bénéficié d’un contrat d’emphytéose en 1934. A l’avènement de l’indépendance, la Pharmakina a pris possession de cette concession qui au départ aurait été de 25 ha. A l’expiration du contrat d’emphytéose en décembre 2014, la Pharmakina aurait non seulement gardé cette portion de terre mais aurait également acquis une nouvelle concession de 35 ha accolée à la première. Chose que la chefferie n’aurait pas accepté et aurait saisi dans la foulée le tribunal de grande instance de Kavumu. Le 23 décembre 2015 lors d’une descente de terrain organisée par tribunal et ayant requis l’expertise de 4 géomètres, il s’avèrera que la concession de Pharmakina était de 74 ha  et non plus de 60 incluant le camp des déplacés de Mweya Muhongoza. Le 26 février 2017, la cour avait tranché en faveur de la Pharmakina. C’est donc en exécution de ce jugement pour lequel  la chefferie n’a pas interjeté appel que les policiers auraient agit.

Une zone fortement sinistré sans assistance humanitaire adéquate

L’occupation de Mweya s’est faite de suite des fortes pluies dans l’après midi du 25 octobre 2014 qui aurait tué une centaine de personnes et d’autres portées disparues[3], le vrai bilan n’a jamais été rendu public[4]. Selon des sources locales, plus au moins 50 corps avaient été retrouvés dans les localités de Bushushu et Rambira.
A ce temps là, plus de 350 maisons avaient été emportées par les eaux dont une église protestante dans la quelle se trouvaient une centaine de choristes. L’école primaire EP. Bugamanda de la même communauté avait été totalement détruite au moment où des élèves étudiaient pour la vacation après-midi.
Plus de 1 500 sinistrés s’étaient ainsi retrouvés sans abris. C’est dans ce contexte que le propriétaire de la plantation Changuwe leur avait accordé temporairement l’hospitalité en acceptant que les déplacés y érigent des tentes au moyen des bâches en plastique.
D’autres vagues des déplacés seront enregistrées par la suite, respectivement le 29 octobre et 23 décembre 2015, conséquences de débordement des eaux de la rivière Lukungula dans la localité de Bushushu.
Dans ce camp, aucune organisation humaniataire n’y était présente bien que  les sinistrés avaient bénéficié de quelques aides de la part de certains acteurs de la société civile et du gouvernement provincial. Depuis lors, aucune autre mesure n’avait été prise en vue de venir en aide à ces 300 ménages.


Recommandations

Au regard de la situation qui prévaut sur terrain :

-        Il serait important au niveau des différents cluster d’envisager rapidement une mission inter agence afin d’évaluer les besoins des sinistrés tant au niveau de l’abris que de la protection physique des occupants de ce camp.

-        Une action de plaidoyer devrait être menée le plus vite possible auprès de la chefferie et des services des titres immobiliers afin d’identifier un autre site sur lequel les sinistrés pourraient être installés et les mettre ainsi à l’abris des conflits qui opposent la chefferie de Buhavu à la société Pharmakina

-        Des mesures plus concrètes devraient être prises en vue de permettre aux élèves de poursuivre et achever l’année scolaire avec une priorité maximale aux élèves finalistes du primaire et du secondaire.


[1] Le titulaire est décédé à Butembo courant 2015
[2] Courant 2015, les sinistrés avaient organisés plusieurs jours de sit in au bureau de l’administrateur de Kalehe  pour réclamer 7000 $ leur offerts par les députés nationaux
[3] Au 31 octobre la croix rouge locale avait dénombré 75 corps et 200 personnes disparues
[4] Jusqu’en ces jours aucune source fiable n’a pu présenter le vrai bilan de ce sinistre. On peut trouver une illustration sur http://www.radiookapi.net/recherche?search_api_views_fulltext=bushushu+ (consulté le 16 mai 2016)